Les jeux traditionnels africains : des outils puissants pour apprendre autrement

Avant les manuels scolaires, les apps éducatives et les jeux en bois Montessori, les enfants africains apprenaient en jouant. Dans les cours de maisons, sous les arbres, dans les ruelles des villages, se transmettaient des savoirs ancestraux à travers des jeux simples, mais porteurs de sens. Ces jeux traditionnels, souvent oubliés ou marginalisés aujourd’hui, sont pourtant de véritables trésors pédagogiques. Et s’ils étaient la clé pour apprendre autrement, en s’amusant, en coopérant et en se reconnectant à ses racines ?
Des jeux enracinés dans la vie quotidienne
Les enfants africains font preuve d’une grande imagination nourrie par l’observation. Ils observent le monde autour d’eux et utilisent ce qu’ils trouvent dans leur environnement pour créer leurs propres jeux. Comme le racontait mon mari, lorsqu’il était petit, il fabriquait des voitures à partir de pneus et de bouts de bois, juste en observant les véritables voitures dans la rue. Un fil de fer devient un volant, une planche devient un châssis. Tout objet est une opportunité de jeu. C’est en manipulant, en testant, en inventant que les enfants activent leur créativité et connectent leurs neurones. Ces jeux ne sont pas importés, ils sont nés d’une intelligence locale, adaptée, intuitive. Ils forment une véritable école de l’invention, où la liberté d’imaginer est reine. Les jeux traditionnels africains ne sont pas déconnectés de la réalité. Ils prennent naissance dans l’observation du monde, des adultes, des gestes du quotidien. Jouer à « la marchande », à « la cuisine », à « la maison » ou encore mimer les travaux des champs permettait à l’enfant de comprendre le fonctionnement de la société. Ces jeux sont une manière de se préparer à la vie, de la comprendre, de l’imiter, et de l’apprivoiser.

Observer, imaginer, inventer : une intelligence ancrée dans la réalité
Un autre aspect essentiel des jeux traditionnels africains, c’est qu’ils ne se jouent pas loin des adultes. Les enfants jouent souvent à proximité de leurs parents, tout en les observant, les écoutant, les imitant. Il n’y a pas toujours besoin de paroles. Le lien parent-enfant s’exprime autrement, dans la présence, dans le regard, dans l’imitation silencieuse. Ce jeu proche du monde adulte est une façon d’apprendre sans le dire, de grandir sans s’éloigner. Ce lien discret mais fort est une base précieuse dans le développement de l’enfant. Comme le dit Anne-Marie Fontaine, « L’adulte est un phare qui éclaire. » Même silencieuse, sa présence suffit parfois à rassurer, à guider, à soutenir. Dans les crèches, on l’observe : l’enfant joue, explore, mais revient du regard ou du geste vers l’adulte, comme pour s’assurer que le lien est là, solide, lumineux.
La force des jeux traditionnels réside dans la liberté qu’ils offrent à l’enfant. Sans consigne précise, sans bouton à appuyer, l’enfant devient créateur. En observant son environnement, il reproduit, transforme, invente. C’est ainsi que naissent des jeux de foot avec des ballons faits de chiffons, des cuisines improvisées avec des boîtes de conserve, ou des voitures montées avec des pneus et des fils de fer. Ces expériences de jeu forgent une intelligence du faire, connectée, adaptée, souple.
C’est dans cet esprit que nous pensons les espaces de jeu à La Case Janké. Ici, pas de jouets électroniques, mais des jeux libres, évolutifs, faits de matériaux simples et accessibles, inspirés des traditions. Car en réalité, un même jeu peut offrir plusieurs entrées, plusieurs niveaux d’exploration.
Nous croyons à la singularité de chaque enfant, à son rythme propre, à sa logique. C’est pourquoi nos propositions de jeu encourageront aussi les parents à observer, à sentir, à ajuster. Car on ne peut pas créer un jeu pour chaque enfant, mais on peut proposer des jeux qui s’ouvrent sur plusieurs possibles. Ainsi, chaque enfant peut se saisir d’un objet ou d’un espace selon son regard, ses envies, son propre chemin.
Un lien profond avec la culture
Jouer au jeu du fil, au jeu du sac, à l’awalé, c’est aussi raconter une culture. Chaque jeu est porteur d’une manière de vivre, de penser, de transmettre. Il est souvent accompagné de chants, de proverbes, de gestes symboliques. Intégrer ces jeux dans la vie quotidienne d’un enfant, c’est aussi lui transmettre une langue, une gestuelle, une mémoire collective.

Pourquoi les réintégrer aujourd’hui ?
Jouer au jeu du fil, au jeu du sac, à l’awalé, c’est aussi raconter une culture. Chaque jeu est porteur d’une manière de vivre, de penser, de transmettre. Il est souvent accompagné de chants, de proverbes, de gestes symboliques. Intégrer ces jeux dans la vie quotidienne d’un enfant, c’est aussi lui transmettre une langue, une gestuelle, une mémoire collective.

Quelques jeux à (re)découvrir
Dans de nombreuses cultures africaines, le jeu naît du corps, du chant, du rythme, de la relation. Il ne s’agit pas toujours de jeux avec des règles formelles ou des objets définis. Par exemple :
Les comptines mimées, où l’adulte tapote le creux de la main de l’enfant en chantant, avant de faire semblant qu’une petite bête grimpe sur le bras et provoque des guillis. Rires assurés.
Le jeu du balancier, où l’adulte est assis jambes tendues, l’enfant installé sur ses mollets. En balçant doucement, l’enfant ressent le rythme, la sécurité du corps adulte, et le plaisir du contact.
Ces jeux simples, sensoriels et relationnels nourrissent le lien et le développement de l’enfant. Ils rappellent que ce n’est pas le jouet qui fait le jeu, mais le regard, le toucher, la présence, le rythme partagé.
Voici aussi quelques jeux traditionnels plus structurés :
L’awalé (ou wari) : jeu de stratégie avec des graines ou des cailloux.
La corde à sauter chantée : avec des comptines en langues locales.
Le saut de sac ou de corde : jeux de course en groupe.
Le jeu du fil : où l’on forme des figures avec un fil autour des doigts.
Les devinettes et jeux de proverbes : pour faire travailler la langue et l’esprit

Les jeux traditionnels africains ne sont pas du passé. Ils sont une passerelle vers un avenir plus enraciné, plus joyeux, plus intelligent. En les réintroduisant dans la vie de nos enfants, on leur permet de grandir autrement : en lien avec leurs racines, leur corps, leur culture. Et si apprendre, c’était aussi jouer à ce qui nous relie ?